Monsieur Figé

Aujourd’hui, nous nous baladons le long du bord de mer. Un dauphin nage près du port, le vent souffle et fait grésiller le son de la tablette vidéo. Nous ne sentons pas l’air humide mais c’est comme si nous y étions. Son fils nous décrit les sons, les odeurs, les couleurs, la vie autour de lui. Mr C. ne dit rien, ou presque, mais son regard est attentif, vif et plus profond que jamais.

Aujourd’hui, nous avons le droit à un voyage dans le temps. L’un des fils est occupé à ressortir les photos en noir et blanc d’antan. Le charme du passé, de ces moments gravés, de ces personnages aussi beaux que flous. « C’était toi papa, sur celle-ci ? Ah, ça te fait sourire ? Tu te trouves beau dessus, hein ? Il avait du succès, papa, il a bien roulé sa bosse, il faisait son effet… ». Le fils déniche le portrait d’une demoiselle élancée, aux longs cheveux bouclés. « Qui est cette fille papa ? Ça n’est pas maman, je le sais bien ! ». Monsieur C. esquisse un large sourire et ses yeux malicieux deviennent joyeux. Je devine son rire plus que je ne l’entends. Mieux encore, je ris avec lui. Je découvre un peu plus cet homme auquel je rends visite chaque jour. Je suis reconnaissante, chanceuse de pouvoir le connaître à travers ses enfants, d’être au cœur de ses réactions, de sentir et partager ses émotions.

Aujourd’hui, et comme depuis plusieurs années, tu es prisonnier d’un corps rigide, figé, crispé de douleur. Tes bras frêles sont tendus vers l’avant, comme pour attraper ce temps que tu n’as plus. Tes jambes avancent encore, péniblement, de petits pas qui suivent tant bien que mal la cadence d’un rythme que tu as perdu. Ta bouche murmure, parfois, parfois pas, une réponse presque inaudible. Tes yeux luttent pour rester ouverts, observer le monde qui s’agite autour de toi. Ils arrivent encore à capturer les instants que tes enfants ont encore à t’offrir.

Aujourd’hui, et comme depuis deux mois, les visites sont interdites. Pour éviter la propagation du virus, dit-on. Comment, dans ces conditions, amener l’Amour entre ces quatre murs gris et tristes ? Protégé tu es, peut-être, mais vulnérable face à la solitude, à l’absence du toucher qui rassure, à l’étreinte qui apaise, à la caresse qui fait frissonner, à l’odeur familière d’un proche aimé.

Aujourd’hui, je suis à tes côtés, assise de travers, la tablette vidéo à bout de bras pour te permettre de voir et d’entendre tes fils. Je suis presque plus figée que toi, contorsionnée pour ne pas rompre la magie de l’instant. Je sais que ces moments vont bientôt s’arrêter, que tu quitteras ces lieux pour retourner entre tes autres murs. J’ai entendu le médecin parler de mettre en place, tout doucement, des soins de confort. Je suis là, serrant ta main raide dans la mienne, et je souhaite de tout cœur que tu puisses revoir tes merveilleux enfants avant de continuer ta route vers une fin paisible.

Aujourd’hui, je suis consciente que je te dis au revoir. Tu comprends. Tes yeux bleus sont grands ouverts, brillants, chaleureux. Ta main se lève lentement pour me saluer. Tu restes comme cela, figé, tourné vers moi. Nous venons de vivre de beaux moments. J’interprète que tu es serein. J’espère avoir raison.

Céleste Maïmoun, ergothérapeute. Texte tiré d’une histoire vraie.

La minute ortho 9

Vous vous interrogez souvent sur le mot « plein ». Quand faut-il le mettre au pluriel ? Quand reste-t-il invariable ?

Quand la locution « plein de » signifie « beaucoup », plein a valeur d’adverbe, il ne s’accorde pas : « nous avons vu plein de choses magnifiques. » Cependant, il faut éviter cette expression dans la langue soignée.
Si plein signifie rempli, il est adjectif et s’accorde : une maison  pleine de monde, il avait les yeux pleins de larmes.
Dans cette acception, on écrira : « les cartons étaient pleins de choses diverses. »

La minute ortho 8

Masculin ou féminin des mots en -oir et -oire, c’est simple (enfin, pas toujours) !

Les mots féminins se terminent toujours en –oire : une poire, une armoire, la mémoire, une écritoire, une passoire…

Les mots masculins se terminent souvent en –oir : un comptoir, un manoir, un trottoir

Des exceptions : un accessoire, un auditoire, un déboire, un interrogatoire, un laboratoire, un ivoire, un observatoire, un réfectoire, un répertoire, un territoire.

La minute ortho 7

C’est d’actualité : Les mots « pâque » et « pâques ».

Lorsque le mot pâque désigne les fêtes juives et orthodoxe, il est précédé de « la » et ne prend pas de « s ». Il ne prend pas de majuscule et il est féminin singulier.

Lorsqu’il désigne la fête catholique, il prend un « s » et une majuscule. Il est masculin singulier. Accompagné d’un adjectif, il devient féminin pluriel.

Exemples : 

La pâque russe tombait plus tard cette année-là.

Cette année, Pâques est célébré un 16 avril

Il m’a souhaité de joyeuses Pâques.

La minute ortho 6

Le saviez-vous ? À l’origine, la majuscule était une lettre décorative, ornant un début de chapitre. En imprimerie, on l’appelle « capitale » qui signifie « lettre de tête ». On se doit d’utiliser la majuscule à bon escient et avec parcimonie, l’usage actuel tendant à s’en servir de façon abusive et anarchique, particulièrement dans la correspondance administrative. les expressions « assemblée générale » par exemple, ou « le chef de cabinet du ministre » n’ont pas besoin de majuscules pour se hausser du col !

On écrira : « l’Église orthodoxe » et « les églises romanes ». « la Sécurité sociale » et « la sécurité des personnes ». « l’Université » et « l’université Aix-Marseille », etc.

La minute ortho, 5

Demi, ce petit mot peut être très embêtant quelquefois, tantôt adjectif, tantôt adverbe, tantôt substantif !

Dans le premier cas, placé avant le nom il est invariable et suivi d’un trait d’union : une demi-bouteille, trois demi-litres, des demi-pensionnaires.

Placé après le nom, il s’accorde en genre seulement : trois heures et demie, deux kilos et demi.

Dans le deuxième cas, il reste invariable : des fillettes demi-nues, une femme à demi folle, des maisons à demi ruinées.

Dans le troisième cas, employé seul, il s’accorde en genre et en nombre : des demis de bière, la pendule sonne les demies.

 

La minute ortho n° 4

La « minute ortho » revient ! Connaissez-vous toujours bien le genre des mots ? Que diriez-vous des suivants, masculins ou féminins ,

Agave, Balustre, Colchique, Effluve, Jade, Ongle, Tentacule.

Réponse demain !

La minute ortho

Penchons-nous aujourd’hui sur l’expression « au temps pour moi »

Mais, écrit-on « au temps pour moi » ou « autant pour moi » ? L’Académie française, Maurice Grévisse et le dictionnaire Le Petit Robert plaident pour « au temps pour moi ». Selon eux, il s’agit d’une expression militaire qui signifie qu’un des soldats n’est pas dans le temps et qu’il faut recommencer le mouvement depuis le début. Au sens figuré, « au temps pour moi » signifie que celui qui parle reconnaît que la faute vient de lui.

À l’inverse, l’historien du langage et écrivain Claude Duneton affirme que l’expression n’est pas militaire. Selon lui, elle doit se comprendre comme « je ne suis pas meilleur qu’un autre, j’ai autant d’erreurs que vous à mon service : autant pour moi. » Il la met en parallèle avec l’anglais « so much for » qui a un sens presque analogue. Son argument ultime est l’expression « autant pour le brodeur » décrite comme une raillerie pour ne pas approuver ce que l’on dit (dictionnaire des Curiositez françoises de 1640).

La minute ortho

Aujourd’hui, le mot dégingandé, qui qualifie une personne grande et maigre, aux gestes mal ordonnés. On entend souvent cet adjectif prononcé « dégaingandé » or, il se prononce comme il s’écrit, en disant bien « gin » comme le veut l’association du g et du i.

La minute ortho

J’inaugure aujourd’hui une rubrique hebdomadaire sur l’orthographe : la minute ortho. L’origine d’un mot, un accord, une façon d’écrire… Aujourd’hui, l’adjectif « moult ».

Il vient du latin multum et signifie « beaucoup ». Son usage est ancien. À noter qu’il est invariable : « Il a vécu moult vies. »